Last Updated on 28 novembre 2021 by Sophie

Pâtes en Italie médiévale et Rinascimento

C’est en Italie, berceau des lagana, que convergent toutes les pâtes alors connues: aussi bien celles en provenance d’Orient que d’Extrême-Occident. La Sicile y joue en l’occurrence un rôle central. Au Xe siècle,  elle est en effet le siège d’un éblouissant émirat, où se rejoignent en toute liberté  les cultures byzantine, arabe et latine. Les “repreneurs” normands (Hauteville) et souabes (l’empereur Fréderic II Hohenstaufen) poursuivent la politique de tolérance des émirs, dont ils adoptent également les modes de vie: ils habitent dans des  alcazars,  possèdent  des  harems et des almées (= danseuses orientales) et, surtout, sont des fervents adeptes  de la gastronomie arabe.

Les itriyya-s orientales  font  même  un véritable tabac sur leur île. Au XIIe siècle, le géographe musulman al-Idrisi écrit avoir vu à Trabie,  près de Palerme, des véritables manufactures de  fabrication  d’itriyya-s.

Le Liber de coquina que fait rédiger  Fréderic II  au XIIIe siècle   mentionne celles-ci aux côtés d’autres pâtes connues à cette époque dans la Méditerranée. Ce livre de cuisine ayant disparu, Anna Martellotti a tenté de le  reconstituer au moyen de textes  postérieurs qu’elle est toutefois parvenue à rattacher à l’”Imperadore Magnifici”.  Elle a publier  une esquisse du réceptaire frédéricain sous le titre suivant:  I ricettari di Frederico II (Florence, éd. Olschki, 2005).

Les pâtes y sont  dites génoises  (ianuensi ). Gênes est  effectivement le plus grand centre portuaire de commercialisation (mais non de fabrication) des  pâtes siciliennes au Moyen Âge central.  Elles se répandent dès lors sur toute la Pénisule.  Le célèbre poète  Dante  confirme  que vers 1300 “tutto quello che le Italiano mangiano e siciliano”, autrement dit que tous les Italiens mangent “à la sicilienne” (sous-entendant bien entendu la pasta) .

Maestro Martino

Maestro Martino

Le   Liber de coquina  donne cependant  une image  incomplète de l’univers pastier de l’île impériale. Cette lacune est comblée   au XVe siècle dans le Libro de arte coquinaria élaboré par maestro Martino de Côme, queux de Ludovico Trevisan, richissime patriarche d’Aquilée. Le maître y  promeut en même temps les pastasciutte, sans pour autant éliminer   les  paste in brodo ni les  pâtes “à ragoût”.  Cependant la différence n’est pas toujours très claire; les unes comme les autres  sont   saupoudrées  avec du  fromage râpé  et des épices “douces”. Le Libro della cocina de l’Anonyme vénitien (XIVe siècle) en donne la composition: cannelle,   girofle, gingembre et macis.  La polvora de duch  ou poudre douce du Sent Sovi catalan  (XIVe – XVe siècles)  ajoute   du sucre (de canne),  de la muscade, de la cardamome, du galanga (Alpina officinarum,  surnommé gingembre chinois,  un rhizome de couleur brunâtre, exhalant une fine odeur aromatique et possédant une saveur brûlante et poivrée; il  est vendu dans les épiceries orientales); par contre,  elle ne comporte  pas de macis.