Last Updated on 25 août 2013 by
Les mystères de la pyramide alimentaire
ou la nouvelle pyramide alimentaire.Proposition d’une nouvelle pyramide alimentaire : les légumes à l’honneur, les féculents remontent d’un étage : à méditer!
extraits de l’article écrit par le Dr Jacques Médart.
Aujourd’hui, les injonctions pressantes fusent de toutes parts, souvent contradictoires, confondant l’alimentation optimale et celle de la personne en surpoids, l’alimentation du quidam plus ou moins sédentaire et celle du sportif de haut niveau, les sucres lents et les amidons raffinés, le fractionnement des repas et les collations répétées tout au long de la journée… au point que personne ne sait plus comment garnir son assiette.
La pyramide alimentaire décryptée
Partant probablement du principe selon lequel un beau dessin vaut mieux qu’un long discours, les créateurs de la pyramide alimentaire ont voulu synthétiser les notions de base guidant vers une alimentation optimale. Si certains de ces conseils sont judicieux, d’autres, au contraire, risquent malheureusement d’être bien mal interprétés, en particulier par les personnes en surpoids.
L’eau, base de la pyramide
La chambre inférieure de la pyramide alimentaire est occupée par l’eau… qui n’est pas un aliment.
Mais cet artifice est évidemment utilisé à titre d’échelle et suggère que les différentes catégories d’aliments rencontrées en montant vers le sommet de la pyramide devront être quantitativement consommées de manière de moins en moins importante.
La chambre des féculents
Le message est clair : mangeons des « sucres lents » en abondance, présentés comme une famille alimentaire homogène, ce qui est pourtant loin d’être le cas. Pour l’expliquer, revoyons le concept d’index glycémiques (IG), connu de depuis vingt ans mais encore mal compris. L’IG d’un aliment, formulé en pour cent, exprime le rapport entre l’aire délimitée par l’élévation glycémique résultant de la prise d’un aliment glucidique donné apportant 50 g trop glucides et l’aire délimitée par l’élévation glycémique produite par 50 g de glucose, pris comme référence.
Si on considère généralement que les index glycémiques constituent un bon reflet des sécrétions insuliniques engendrées par les différents glucides, paradoxalement, en fonction des quantités ingérées, certains aliments glucidiques peuvent entraîner une riposte insulinique importante en dépit d’un IG relativement peu élevé.
Aliment | Index glycémique | Proportion approximative contenant 50g de glucide | Equivalent en g |
glucide | 100 | 50 | |
Pain baguette blanche | 95 | 1/3 de baguette | 90 |
Pommes de terre frites | 82 | 1/4 d’assiette | 140 |
gaufre | 81 | une gaufre de petite taille | 100 |
Pain blanc | 80 | 3 tranches | 90 |
Corn flakes | 79 | un petit bol | 60 |
Pommes de terre bouillies | 77 | 4 pommes de terre | 300 |
Céréales au chocolat | 77 | un petit bol | 60 |
Soda | 72 | 1 1/4 canettes | 385 |
Sucre ordinaire | 72 | 10 morceaux | 50 |
Chips | 70 | un 1/2 petit sachet | 90 g |
Gâteau | 70 | 1/2 gâteau | 100 |
Chocolat | 70 | 1 1/4 barre | 70g |
Pain gris | 70 | 3 tranches | 95 |
biscottes blanches | 68 | 6 biscottes | 12 |
Confiture | 66 | 3 1/4 cuillères à soupe | 75 |
Croissant | 66 | 2 croissants | 90 |
Melon | 65 | 1 petit melon | 400 |
Couscous (semoule) | 65 | 10 cuillères à soupe bombées | 200 |
Ananas | 64 | 4 1/2 tranches | 450 |
bananes | 63 | 2 bananes | 250 |
Carottes | 61 | 1 assiette à soupe | 720 |
Riz blanc cuit | 61 | un petit bol | 180 |
Raisins | 61 | 1 grappe | 320 |
Pâtes blanches | 57 | 1/3 d’assiette à soupe | 170 |
Biscuits fourrés au chocolat | 55 | 4 biscuits | 80 |
Céréales avec fibres | 54 | 1 1/2 tasse | 70 |
Pain intégral | 49 | 3 tranches | 100 |
Petits pois | 41 | 500 | |
Riz complet | 41 | 1 bol | 180 |
Oranges | 41 | 4 oranges | 500 |
Prunes | 39 | 10 prunes | 420 |
Pommes | 38 | 2 pommes | 380 |
Pamplemousses | 26 | 3 pamplemousses | 750 |
Lentilles(cuites) | 22 | 350g | |
Légumes | <15 | 1500 |
Prenons l’exemple des pâtes (Tableau 1). Leur IG de 57 est obtenu après ingestion d’une portion bien modeste en regard des quantités généralement consommées: 70g (pesées crues), c’est-à-dire à peine un tiers d’assiette à soupe après cuisson. Cette portion amène en effet les 50g de glucides requis pour le test et représente, pour un individu de 70 kilos, une charge glucidique de 0,7g par kilo de poids corporel.
La consommation d’une portion courante (correspondant assiette à soupe, soit approximativement 200g de pâtes crues ou encore 140g de glucides) n’entraînera pas une élévation glycémique considérable chez le sujet sain. Elle équivaut néanmoins à un apport glucidique de 2g par kilo de poids corporel et est susceptible de provoquer une riposte insulinique proportionnelle supérieure à celle provoquée par une charge orale de 50g de glucose pur.
A l’inverse, un morceau de sucre de 5 grammes (IG = 72), représentant un apport glucidique de 0,07g par kilo de poids corporel n’entraînera qu’une sécrétion insulinique peu importante.
Nous sommes au cœur d’un des mystères de la pyramide: la majorité des « sucres lents » préconisés sont en fait des glucides relativement ou fortement insulinogènes. Les commentaires accompagnant la pyramide alimentaire préconisent une consommation journalière de 9 à 17 portions, ce qui correspond, au minimum, par exemple, à 9 tranches de pain blanc (ou 18 biscottes), ou, au maximum, à une consommation quotidienne de 7 tranches de pain blanc et une monstrueuse assiette de pâtes (200 g avant cuisson). Il suffit de se référer aux index glycémiques et, par un calcul simple, en déduire la charge insulinique pour comprendre qu’une telle base alimentaire ne convient pas du tout à des patients en surpoids pour ne citer que ceux-la!
Plaidoyer pour la construction d’une nouvelle pyramide
Voici une proposition de pyramide alimentaire modifiée
• Les légumes seront présents en abondance, si possible aux deux repas principaux, pour leur richesse en antioxydants et autres substances protectrices: vitamine C (poivrons, brocolis…), caroténoïdes (bêta-carotène des carottes, lycopène de la tomate), polyphénols (oxoflavonoïdes, anthocyanes, tanins…), acide lipoïque (brocolis, épinards),composés soufrés (crucifères)…
• Les féculents montent d’une case et seront choisis en fonction de leur index glycémique bas ou peu élevé: pain complet, pommes de terre nature, légumineuses, riz complet…
• Les fruits: consommation limitée, particulièrement chez les personnes en surpoids et (ou) présentant des troubles du métabolisme glucidique ou insulinique.
• On attirera l’attention sur la valeur des oeufs « enrichis en oméga 3 » et des poissons de mers froides également riches en AGPI oméga 3. Toutefois, ces acides gras sont peu résistants à une élévation thermique importante. Les poissons crus (sushis, rollmops) et en conserve représentent donc des aliments de choix. Rappelons que le sélénium, indispensable à la synthèse endogène de la glutathion peroxydase, antioxydant « de première ligne », est particulièrement présent dans les poissons (surtout gras), les moules, les crevettes, le foie, la dinde, le porc.
• Une consommation journalière de produits laitiers est utile pour satisfaire les besoins en calcium. On limitera néanmoins la consommation de produits gras en rappelant que le lait entier est riche en acides laurique et myristique qui figurent en tête de liste des acides gras les plus athéroqènes.
• L’huile de colza est riche en acide alpha-linolénique. Elle doit être privilégiée pour les préparations froides car sa résistance thermique ne permet pas de l’élever au-delà de 180°C, température parfois dépassée lors d’une cuisson à la poêle (ce qui, par ailleurs, devrait toujours être évité, quelle que soit la matière grasse utilisée, de façon à limiter la lipoperoxydation).
L’huile d’arachide et l’huile d’olive ont une bonne résistance thermique. On pourra également remettre à l’honneur la graisse d’oie pour sa richesse en AGMI, sa relative pauvreté en AGS et sa bonne résistance thermique.
Il faut également signaler que les apports recommandés en vitamine E (essentiellement présente dans les huiles végétales) sont revus à la hausse et que les recommandations actuelles vont vers une consommation d’huiles plus importante qu’on ne le préconisait autrefois, pour autant qu’elles soient pauvres en acides gras saturés.
• Si aucun aliment ne doit être véritablement interdit, on veillera à limiter au maximum la consommation de produits très gras (sauces grasses, mayonnaises et dérivés, charcuteries grasses…) et d’aliments fortement insulinogènes à base de farines blanches (pain blanc, pâtes blanches…), de farine blanche combinée à des sucres et souvent à des graisses (biscuits, gaufres, pâtisseries et viennoiseries, chocolat…) et les fritures d’amidons frites, chips…) dont la combinaison de graisses et de glucides très insulinogènes constitue un cocktail explosif.
On insistera sur l’inutilité du grignotage et sur la confusion régnant entre fractionnement des repas et grignotage incessant.
• Le vin rouge riche en tanins sous forme de polymères de catéchines pourra être conseillé en petites quantités, de même que le thé.
En conclusion
De deux choses l’une: ou nous donnons des informations généralistes basées sur le bon sens, valables pour tous: structurez vos repas, évitez le grignotage répétitif, utilisez les bonnes graisses, bougez… ou alors, si nous répandons une information « scientifique », faisons-le de façon exhaustive et personnalisée (avec le risque du discours long, ennuyeux et compliqué, selon Apfelbaum). Imaginons enfin dans quel embarras se trouvera le médecin nutritionniste face à un adolescent obèse, peut-être déjà hyperinsulinique, voire diabétique de type 2, à qui on vient, en toute bonne foi, de donner un cours sur la pyramide alimentaire… et qui adore les pâtes!
Source : Pharmasphère, n°101, oct.05, Les mystères de la pyramide alimentaire, par le Dr Jaques Médart. A lire également : Manuel pratique de l’alimentation, par le Dr J. Médart, éd. De Boeck.