Last Updated on 28 novembre 2021 by Sophie

Les pâtes dans l’espace français

a) Dans la France méditerranéenne du XIVe siècle, Jean-Louis Flandrin signale plusieurs pâtes: les « fidiaux » (dérivés des fidaws, mais désignant des pâtes laminées, comme les fidea roumaines, et non modélées a manu suivant le procédé maghrébo-andalous), les « crozets » (sortes de coquillettes également mentionnés dans le Liber de coquina qui les appelle croseti, dont descendent en droite ligne les orecchietti pugliesi) et les « menudets », une variété de « crozets » qui seraient typiquement provençaux. Ils semblent correspondre aux actuels crozets savoyards, des petites pâtes carrées qu’on mange non en potage mais en pastasciutte avec du fromage râpé et du beurre.

Vandernoot

Vander Noot

 

b) Dans le Nord et plus particulièrement dans les États franco-bourguignons circulent aussi différentes pâtes. Citons les « vermiseaux de cecile » (vermicelles de Sicile), repris par le wallon Vivendier du XVe siècle. La référence à la Sicile s’explique du fait que la première usine de fabrication de ce type de pâtes y a été érigée par les Sarrasins lors de leur occupation de l’île. Le Vivendier mentionne en outre le « rys en galles c’on dit contrefait » (riz contrefait pour blaguer) qui vise des petites pâtes ayant la forme de grains de riz (comme les fidaw-s maghrébo-andalous).

Dans son notabel boecksken van cokerryen (Bruxelles, vers 1515), Vander Noot évoque par ailleurs des roffioelen van wermoese qui, malgré leur nom ne sont pas des raviolis mais des tagliatelles aux herbes, donc vertes.

c) Les paste se multiplient en « Belgique » durant la Renaissance, grâce surtout à Lancelot de Casteau, queux des princes-évêques de Liège dans la deuxième moitié du XVIe siècle. Elles occupent une place importante dans sa célèbre Ouverture de cuisine (imprimée à Liège en 1604). Cet intérêt inhabituel de la part d’un chef venant des brumes du Nord pour une spécialité typiquement italienne ne peut s’expliquer que par des séjours effectués dans la patrie des mangeurs de macaronis. L’influence de Scappi saute aux yeux.

1° Les raviolis

Lancelot en donne plusieurs variantes:

– des « raphioulles » farcis de viande hachée, bouillis, saupoudrés de parmesan râpé et de cannelle

– des « rafioule » farcis d’épinards, bouillis, également saupoudrés de cannelle et parmesan râpé

2° Les « agnoiles »

Les agnolotti sont des raviolis en forme d’anneau; ils apparaissent en Italie à la Renaissance et sont, à cette époque, farcis avec du pis de vache.

Lancelot en donne deux versions:

– une farce est préparée avec du pis de vache et de la graisse hachés, du parmesan râpé, de la cannelle, du poivre et des raisins secs. « Puis vous ferés des petites longues rafioles la longueur de deux doigts et non plus grosses qu’un doigt et tournez cela comme un anneau et mouillès l’un des debouts avec de l’oeuf battu, affin de faire tenir ensemble, puis les mettez boullir comme rafioule ». Lien vers la recette

– une pâte à choux est préparée, dans laquelle on incorpore du parmesan. On y prélève des petits morceaux, comme des noix, qui sont bouillis, égouttés, saupoudrés de parmesan et cannelle. Ces « agnoiles » ne font pas partie de la famille des raviolis mais de celle des gnocchis.

3° Lasagnes ou tagliatelles

Lancelot les nomme « maquaron » (à l’instar de ses prédécesseurs italiens et anglais du XIVe siècle). La pâte est coupée en bandes de trois doigts de largeur, qui sont bouillies et servies, comme les raviolis, avec du parmesan râpé et de la cannelle.