Last Updated on 9 octobre 2016 by Sophie

Sensibilité au gluten ou intolérances au gluten non cœliaque

Décrite dans les années 80 et redécouverte récemment, la sensibilité au gluten a été mise en évidence chez des personnes ne souffrant ni de maladie cœliaque ni d’allergie au blé. La sensibilité au gluten n’est pas encore bien caractérisée et serait présente chez 30% des personnes souffrant de colon irritable. Cette pathologie, dont la prévalence est estimée entre 0,63 à 6% de la population, présente plusieurs aspects : avec un rôle de l’immunité innée, une inflammation de bas grade de l’intestin, et un changement du microbiote. Elle ne nécessite pas un régime aussi strict que pour la maladie cœliaque.

La définition officielle de la sensibilité au gluten est la suivante : « cas d’intolérance au gluten, pour lesquels ont été exclus tant la maladie cœliaque (de par la négativité des marqueurs sérologiques) que l’allergie au blé (IgE spécifiques négatives), où la muqueuse intestinale apparaît quasiment normale à la biopsie intestinale, et surtout dans lesquels le rapport exposition au gluten/symptômes est attesté en double aveugle concluant à la réponse positive du patient à l’alimentation sans gluten ».

Le gluten

Le blé est une céréale appartenant à la famille des graminées. C’est la céréale la plus cultivée et la plus consommée. Le grain de blé contient 10 à 15 % de protéines, dont on distingue 4 groupes : les albumines, les globulines, les gliadines et les gluténines. Les allergènes majeurs sont principalement les gliadines, qui sont, avec les gluténines, regroupées sous le terme de “gluten”

Le gluten est le complexe protéique structural principal du blé, et il est présent dans d’autres céréales telles que l’orge et le seigle.

Les troubles liés à la consommation de gluten sont en hausses cette dernière décennie. De nombreux facteurs ont contribué au développement des pathologies liées au gluten. La première cause est sans doute l’adoption mondiale du régime méditerranéen riche en gluten (plus de 20 g par jour et parfois même plus dans certains pays). D’autre part, la mécanisation de l’agriculture et l’utilisation de pesticides a favorisé le développement de nouvelles variétés de blé contenant plus de peptides de gluten toxiques. Le pain contient actuel contient plus de gluten qu’avant car le temps de fermentation de la pâte a été raccourci.

Comment se forme le gluten ?

Quand la farine de ces céréales est mélangée à de l’eau, les gliadines et gluténines apparaissent ; elles donnent la viscosité et l’élasticité à la pâte. Ces protéines sont résistantes à la digestion gastrique et augmente la perméabilité dans l’intestin grêle par un réarrangement du cytosquelette, une surexpression de la zonuline et une dysfonction des tight jonctions.

Troubles liés au gluten

Le gluten est responsable de différents troubles dont la maladie cœliaque et l’allergie au gluten. L’allergie au gluten est une réaction immunologique qui peut être IgE-médiée, avec des réactions de type immédiat, ou non IgE-médiée, avec des manifestations chroniques, essentiellement cutanées ou digestives. L’allergie au blé se singularise également par la possibilité d’une allergie alimentaire induite par l’effort. Il peut aussi y avoir des réactions de contact ou de l’asthme (asthme du boulanger).

La sensibilité au gluten non cœliaque est une maladie plus récente. Les patients sont négatifs au test de la maladie cœliaque et à l’allergie au blé mais présentent divers troubles lorsqu’ils mangent du gluten. En 30 ans, seules deux études avaient été réalisées sur le sujet.

Depuis 2008, la recherche a repris et deux consensus (2011 à Londres et 2012 à Munich) ont tenté de démontrer l’existence de cette sensibilité ; offrant ainsi une chance à de nombreuses personnes de pouvoir mettre un nom sur leur maladie. Néanmoins, le syndrome de sensibilité au gluten reste toujours soumis à controverse car il n’existe pas de marqueurs biologiques spécifiques.

Contrairement à la maladie cœliaque, la sensibilité au gluten ne s’accompagne pas d’une augmentation de la perméabilité intestinale, celle-ci étant même significativement diminuée par rapport au groupe contrôle (p = 0,0308). Cette diminution est associée à une augmentation de l’expression de la protéine transmembranaire claudine-4 (p = 0,0286). Les interleukines témoins de l’immunité adaptative sont plus élevées dans la maladie cœliaque que chez les sujets contrôles, ce qui n’est pas retrouvé pour la sensibilité au gluten. A l’inverse, l’expression des marqueurs de l’immunité innée est au contraire plus élevée dans la sensibilité au gluten.

Selon des études plus récentes, d’autres protéines seraient impliquées dans la sensibilité au gluten : les inhibiteurs de l’amylase-trypsine (ATIs) et les FODMAPs. L’acronyme FODMAPs signifie « Fermentable by colonic bacteria Oligosaccharides,Disaccharides, Monosaccharides And Polyols » autrement dit, en Français : « oligosaccharides, disaccharides, monosaccharides et polyols fermentescibles par la flore intestinale ». Les FODMAPs sont des glucides à courtes chaînes peu résorbés. Ils fermentent rapidement et génèrent du liquide et des gaz responsables d’inconfort digestif. Les aliments qui en contiennent le plus sont les graines et les céréales (blé, seigle et orge), le lait, le miel, les fruits (cerise, mangue, poire) et les légumes (chicorée, fenouil et poireau). Un régime pauvre en FODMAPs, en additifs et conservateurs améliore les symptômes de la sensibilité au gluten.

Récemment (2016), des chercheurs de Colombia aux USA ont étudié des personnes coeliaques et sensibles au gluten. Parmi les résultats, plusieurs paramètres sont significativement différents chez ces dernières. En particulier, lors de sensibilité au gluten, le taux de CD 14 soluble plus élevé. Cette protéine est spécifique de certains globules blancs, les monocytes, qui sont responsables de la réponse immunitaire immédiate (qui fait intervenir le système immunitaire inné). Les chercheurs ont réussi à trouver un marqueur de la sensibilité au gluten baptisé FABP2 (fatty acid-binding protein 2) qui atteste d’une atteinte des cellules de l’épithélium intestinal, ce qui crée un affaiblissement de la barrière intestinale, provoquant dans l’organisme une réaction immunitaire globale. Selon eux, il suffirait de six mois d’un régime sans gluten pour que ces marqueurs disparaissent et que la réaction inflammatoire induite cesse. Ce travail devrait permettre à terme un meilleur diagnostic et une meilleure prise en charge de ce trouble. Il n’existe pas en effet de traitement à ce jour, seule l’éviction du gluten (régime no glu) étant proposée.

Une autre piste que le gluten : les FODMAPs

Cela dit, d’autres composants du blé sont connus pour créer des intolérances, comme les fructoses». Ces sucres appartiennent à la famille des FODMAPs (fermentable oligo-, di- and mono- saccharides and polyols). Un acronyme qui regroupe des sucres peu absorbés et hautement fermentables, présents dans certains fruits ou légumes, dans le lait, le blé, le seigle et l’orge, ou encore les édulcorants. Dans les faits, parmi ceux qui s’estiment sensibles au gluten, beaucoup retirent un bénéfice d’une réduction de leurs apports en FODMAPs.

Comment diagnostiquer une sensibilité au gluten, une allergie ou une maladie cœliaque ?

 

algorithme de la sensibilité au gluten

algorithme de la sensibilité au gluten

 

Différences entre maladie cœliaque, allergie au blé et sensibilité au gluten
Maladie cœliaqueSensibilité au glutenAllergie au blé
Intervalle entre l’exposition et le développement des symptômesDes semaines à des annéesHeures à joursMinutes à heures
Mécanismeauto-immunPossibilité d’une immunité innéeRéponse allergique
HLA(gènes)HLA-DQ2 ou HLA-DQ8Pas de lien génétique connuPas lié
EntéropathiePresque toujours présenteAbsenteAbsente
SymptômesSymptômes intestinaux et extraintestinaux similaires
ComplicationsÀ long termeNon connuesSurtout des complication à court terme (ex : choc anaphylactique)

Sensibilité au gluten non cœliaque : mythe ou réalité ?

Face aux arguments de certains scientifiques qui se demandent si ce n’est pas plus un effet de mode ou un argument marketing en plus et vu l’absence de marqueurs biologiques, d’autres études devront être réalisées dans le futur.

Sources

Fasano A et al. N Engl J Med 2012
Non-celiac gluten sensitivity, Cellular & Molecular Immunology, 2013
Sapone A et coll. : Divergence of gut permeability and mucosal immune gene expression in two gluten-associated conditions: celiac disease and gluten sensitivity BMC Medicine 2011
http://www.amge.ch/2016/09/12/des-biomarqueurs-prouvent-la-realite-dune-sensibilite-au-gluten/