Last Updated on 5 janvier 2024 by Sophie

Histoire de la carbonara

La carbonara est une recette italienne originaire de Latium. Elle est née après la guerre et la version actuellement considérée comme authentique est assez récente et contient du guanciale (joue de porc), du pecorino, des œufs et du poivre.

Origine : les recettes avant la carbonara

 

On trouve aucune trace de carbonara chez Artusi (fin XIXe siècle), ni dans le « Talisman du bonheur « d’Ada Boni de 1927, ni dans Cucchiaio d’Argento (1950). Cependant, l’association œufs, fromage et porc existe déjà avant première mention des spaghetti alla carbonara, qui date de 1950.

Nous ne connaissons pas la véritable histoire de la carbonara mais l’hypothèse la plus plausible serait la rencontre des pâtes cacio e ova avec le bacon (et les œufs en poudre) de soldats américains, dans une période de restriction alimentaire..

La première recette de pâtes mélangées avec des œufs et du fromage est publiée à Naples.

C’est en 1881, que Francesco Palma écrit une recette de maccheroni con cacio ed uova : macaronis au fromage, œufs et saindoux.

Le saindoux est de la graisse de cochon…tous les ingrédients typiques de la carbonara sont presque là !

 

Maccheroni con cacio ed uova

Maccheroni con cacio ed uova

Ingrédients

3 kg de macaronis
167 g de parmesan
250 g de saindoux
7 œufs
sel
poivre

Préparation

Faites cuire les macaronis jusqu’à mi-cuisson ; égouttez-les en gardant un peu d’eau puis remettez-les sur le feu. Ajoutez le saindoux, les œufs battus et le reste. Faites bouillir quelques instant. Versez dans la soupière et servez.

Influence des USA

Les pâtes à la carbonara seraient un mélange de cuisine italienne et d’intendance américaine.

En effet, la carbonara ou son ancêtre est un plat rustique vraisemblablement mangé par les pauvres. Et ce plat n’est effectivement pas décrit avant la fin de la deuxième guerre mondiale.

La légende raconte qu’en 1944 les GI américains ont partagés, avec les restaurateurs romains (ou des bergers), leurs rations d’œufs et de bacon et qu’ainsi les pâtes à la carbonara seraient  nées. Dans un contexte de fin de guerre et de fin de privations, l’ajout de bacon aux pasta cacio e uova leur donne aussi un caractère plus festif. 

Pour d’autres « experts », ce serait un jeune cuisinier d’origine bolognaise, Renato Gualandi qui aurait inventé ce plat. Il l’a préparé pour la première fois en 1944 lors d’un dîner organisé à Riccione pour l’armée américaine et auquel participait Harold Macmillan. iI aurait dit « Les Américains avaient du bacon fabuleux, de la très bonne crème, un peu de fromage et des jaunes d’œuf en poudre ».

Une chose est sûre : cette recette a plu aux américains qui l’ont rapporté dans leurs valises …

Les premières recettes

La toute première recette est parue en 1952 aux USA! Dans un guide illustré des restaurants de Chicago écrit par Patricia Bronté, on lit ainsi que le restaurant Armando’s sert des pasta carbonara. La recette inclut des tagliarini (tagliatelles) et de la mazzina (de la poitrine de porc), mélangés et sautées avec quatre œufs battus dans du parmesan râpé.

La mazzina ou mezzina est un synonyme de pancetta.

Pasta carbonara

Boil 1 ½ pounds of Tagliarini (thin wide noodles) according to the directions on the package. Meanwhile, chop and fry ½ pound of Mazzina (Italian bacon). Drain the noodles and the bacon. Take 4 eggs and ¼ pound of grated Parmesan cheese and lightly whip together. Mix everything together and toss with a flame. Serves four.

 

La première recette parue dans un livre italien

La première recette est publiée en 1954 dans une revue. La version proposée utilise du bacon, des œufs entiers, de gruyère, d’ail écrasé et préconise de cuire les œufs « jusqu’à ce qu’ils soient pris ».

Il faut cependant attendre 1955 pour avoir la recette publiée dans un livre italien.

A partir de ce moment, les apparitions de la carbonara dans les livres de recettes se multiplient, avec par exemple  » La signora in cucina  » de Felix Dessì (1955, avec bacon, œufs entiers, parmesan) et « La grande cucina » de Luigi Carnacina (1960).  Ce dernier est le premier à proposer du guanciale. Cette charcuterie est un morceau de viande séchée qui provient de la joue et bajoue du cochon.

Carbonara de Carnacina

600 g de spaghetti
50 g de guanciale coupé en morceaux
1 c. d’huile
50 g de beurre
6 œufs entiers
quelques cuillerées de crème liquide

 

Cuire les spaghettis dans une abondante quantité d’eau bouillante légèrement salée et les égoutter lorsqu’ils sont al dente. Dans le même temps, faire rissoler le guanciale dans une petite casserole avec l’huile ; battre les œufs dans une jatte en y mélangeant le fromage, une pincée de sel, un peu de poivre fraîchement moulu et la crème liquide. Faire fondre le beurre dans une poêle assez grande. Dès qu’il commencera à prendre une couleur noisette, verser les œufs, qu’on fera légèrement épaissir, puis verser les spaghettis et le guanciale. Mélanger rapidement et répartir les portions aussitôt. Il est important que les spaghettis soient cuits au moment où les œufs commencent à épaissir.

La carbonara dans les années 60

En 1964, Ada Boni dans « Il piccolo talismano della felicità »,  propose une recette avec de nombreux ingrédients : persil, vin blanc et oignon.

Carbonara du piccolo talismano-1964

Carbonara du piccolo talismano-1964

 

Et la crème fraîche dans la carbonara ?

La crème fraîche apparaît dès 1960, en petite quantité, pour ajouter un peu d’onctuosité. Elle est par contre à la mode dans les années 80 où avec de nombreuses recettes qui baignent littéralement dans la crème. 

La recette avec le plus de crème fraîche est proposée par le chef français triplement-étoilé Alain Senderens. Il préconise en 1981 dans « La Cuisine Réussie » d’incorporer un demi-litre de crème pour 500 grammes de pâtes.

Voici une recette assez similaire, celle de  Gualtiero Marchesi dans « La cucina regionale italiana ».

Spaghettis à la carbonara

320 g de spaghettis
80 g de guanciale
2,5 dl de crème fraîche
2 jaunes d’œufs
20 g de pecorino râpé
10 g de beurre
sel
poivre 

 

Dans un bol, battre les jaunes avec la crème, le pecorino et le poivre fraîchement moulu. Dans une poêle, bien faire rissoler le guanciale découpé en allumettes dans le beurre. Cuire les spaghettis dans de l’eau bouillante salée, les égoutter al dente, les verser dans la poêle et mélanger. Les retirer du feu, ajouter l’appareil crème-œufs, mélanger à nouveau jusqu’à ce que les ingrédients soient bien incorporés. Répartir les spaghettis dans les assiettes et déposer le guanciale croustillant dessus

50 années de recettes diverses

Entre la première recette publiée en 1952 et le début des années 2000, qui marque la consécration de la carbonara composée de guanciale, pecorino, œufs et poivre, de nombreuses recettes ont vu le jour, avec de nombreuses variantes. Le seul élément fédérateur étant un mélange crémeux !

Fromage : les plus utilisés sont le parmesan et le pecorino mais certaines recettes utilisent aussi le gruyère

Œufs : entier ou juste le jaune, voire un mélange des deux. Dans les premières recettes, on retrouve des œufs cuits. Le mélange crémeux s’impose ensuite.

Guanciale : l’utilisation du guanciale est assez récente. Elle s’impose à partir des années 90, sans doute sous l’influence d’un autre plat du Latium, les pasta all’Amatricina. De nombreuses recettes continuent de proposer d’utiliser de la pancetta ou des lardons.

Crème fraîche : présente dès le début des années 60 à petite dose, elle connaît son apogée dans les années 80 avant d’être finalement bannie.

Pour les pâtes : les plus souvent macaronis, rigatoni, tagliolini, spaghetti. Certains préfèrent  l’utilisation de pâtes courtes.

Origine du nom « carbonara »

Les pasta carbonara peuvent être traduites par « pâtes à la charbonnière »

Les premières mentions des pâtes carbonara ont lieu à Rome : la première en 1950 (dans un journal) et la deuxième 1951 dans un film de Giorgio Pàstina.

Il y plusieurs hypothèses avancées concernant l’origine des pâtes carbonara mais aucune d’elle n’est vraiment convaincante.

– Le nom carbonara proviendrait des charbonniers italiens ( les « Carbonari » du XIX° siècle), Ils transformaient le bois en charbon et travaillaient dans les montagnes. Cette hypothèse est peu probable. Leur alimentation devait sans doute être à base de pain et polenta. Les pâtes n’étant alors pas un aliment populaire.

– Une autre hypothèse fait référence aux membres d’une société politique secrète italienne, dénommée les « Carboneria» (XIX° siècle).

« à la carbonara » désignait aussi une recette de polenta. Celle-ci se retrouve dans le recueil de Giulia Lazzari-Turco (1904)

– La dernière hypothèse est celle de Eleonora Cozzella, auteur du livre  « la carbonara parfaite ». L’intitulé carbonara dériverait du marché noir, qui à Rome indique quelque chose de clandestin ou même de « carbonaro », où les romains achetaient des œufs (principalement en poudre), du bacon et tout ce qui était passé en contrebande à partir des stocks alimentaires de l’armée américaine.

Tendances actuelles

La carbonara est un plat très populaires que beaucoup réinterprètent avec plus ou moins de bonheur.

Exemples :

  • Smoky tomato carbonara du New York Time
  • Carbonara inclusif de Barilla
  • Wafu spaghetti carbonara japonais
  • Nouilles instant façon carbonara
  • Eleonora Cozzella propose dans son livre une trentaine de recette de chefs italiens
  • ….

 

Conclusion

La carbonara est une recette récente qui, en 50 ans, s’est romanisée pour aboutir à la recette actuelle avec guanciale, pecorino, œufs et poivre. Elle connaît toujours actuellement autant de succès qu’à ses débuts et est souvent réinterprétée ou réinventée !

 

 

Sources