Last Updated on 29 octobre 2023 by Sophie
La fabrication de pâtes sèches
Le séchage est sans conteste la partie la plus délicate du processus de fabrication de pâtes sèches. Le séchage naturel des pâtes a été élaboré en Italie, principalement dans le golfe napolitain, et a atteint son apogée au XIX° siècle. Cette évolution de la pâte fraîche vers la pâte sèche n’a pas connu le même chemin en Asie. Ce n’est que récemment qu’ils ont adopté les techniques européennes.
Le séchage des pâtes permet de les transformer en produit de conservation, pratique et facile d’usage.
Un peu d’histoire : les premières pâtes séchées
La première industrie de pâtes séchée se trouvait en Sicile dès le XII° siècle et est décrite par le géographe arabe Idrisi :
« A l’ouest de Termini, il y a un bourg qui se nomme Trabia, résidence enchanteresse, riche en cours d’eau pérennes qui actionnent de nombreux moulins. Trabia est située dans une vaste plaine où sont de grands domaines dans lesquels on fabrique de grandes quantité de pâtes que l’on exporte partout et en particulier en Calabre et autres pays de musulmans et de chrétiens ; on en envoie de nombreuses cargaisons de navires. ».
D’autres fabricants apparaissent en Sardaigne (fideus, maccarons et obra de pasta) et ailleurs en Italie mais leur production est plus modeste. Un écrit de 1397, atteste la production de pâtes également en Provence, avec des lozans, crozets, vermiceaux, macarons et fidiaux.
Le séchage des pâtes ne s’est pas toujours fait de façon naturelle, à l’air. Les boulangers et vermicelliers du Moyen Age fabriquaient également des pâtes séchées de façon plus artificielle, à la chaleur du four. Les pâtes obtenues étaient opaques, fragile et d’une mauvaise tenue à la cuisson. Ce qui n’était pas si grave car ces pâtes étaient consommées en soupe.
Au XIII° siècle, les pâtes sèches artisanales sont des petites pâtes, appelées itriyya ou fidaw. Elles sont incorporées dans des ragoûts de viandes dans lesquels elles cuisent. Maestro Martino explique que si elles sont fabriquées à la lune d’août, elles peuvent conserver deux ou trois ans.
Sur une miniature du XIV° siècle, on peut voir la fabrication des tria et leur séchage à l’air libre.
Le séchage napolitain
C’est à Torre Annunziata et à Gragnano, dans la baie de Naples, que furent écrits les premiers ouvrages détaillés du séchage.
Le séchage des pâtes napolitain se compose de trois phases
- l’incartamento
Le premier raidissement ; le séchage est superficiel et se fait en plein soleil. La durée de cette étape dépendait du type de pâtes (courtes ou longues). La couche durcie ne devait être ni trop épaisse, ni trop mince.
- le rinveninto
La pâte est mise au frais (environ 15°C) pour ramollir la croûte superficielle produite par la phase précédente. Cette phase durait en général la nuit entière. Cette étape permettait à l’humidité contenue à l’intérieur des pâtes de diffuser dehors, ce qui conférait une certaine fermeté aux pâtes.
- l’essicazione definitiva
ou séchage définitif. Dessiccation de manière lente et progressive à l’abri du soleil, en faisant varier la température (jour et nuit). Il fallait éviter les courants d’air qui donnait un séchage non uniforme et un risque de craquelures.
Le séchage des pâtes longues était plus délicat car il fallait éviter les gros chocs thermiques. Elles étaient entreposées sur des cannes. Il fallait compter quelques jours pour les pâtes courtes et environ 18 jours pour les pâtes longues. Les pâtes destinées à l’exportation étaient séchées un peu plus longtemps.
Essor grâce à la mécanisation et l’industrialisation
Jusqu’à la Renaissance, le travail des pâtes se fait principalement à la main. La situation change avec l’apparition de la presse à filière à Naples à la fin du XVIe siècle. Elle fonctionne sur le principe du pressoir à vin connu depuis l’Antiquité. La pâte est poussée à travers une filière qui est une sorte de disque en bronze perforé dont les trous ont la forme des pâtes que l’on veut réaliser. Ainsi naît une multitude de nouvelles formes de paste, dont les pâtes filiformes pleines plus ou moins fines du genre spaghettis et vermicelles.
Les fabricants utilisent aussi plus systématiquement la semoule de blé dur de qualité, ce qui donne de meilleures pâtes.
Toutes les étapes de préparation se mécanisent dès le XIX° siècle : machine pour amalgamer la pâte, pétrisseuses, presse hydraulique, séchage industriel.
Le séchage industriel actuel
Pour fabriquer des pâtes sèches, de la semoule de blé est hydratée de façon à obtenir un degré d‘humidité de 32% ; une partie de l’eau est éventuellement remplacée par des œufs. La pâte passe à travers différentes matrices qui la pressent et la pétrissent. Elle est ensuite poussée sous pression afin d’obtenir des pâtes plutôt rondes (spaghettis, macaronis,…) ou laminée pour produire des formes allongées. Les pâtes laminées peuvent encore subir une dernière étape : le poinçonnage, qui leur donnera une forme spécifique (par exemple farfalle).
L’étape la plus délicate est celle du séchage. La pâte est séchée de façon à obtenir une humidité ne dépassant pas 12,5%. Cette opération ne doit ni être trop lente (moisissures) ni trop rapide (pâtes cassantes). Les pâtes sont séchées par de l’air chaud (70°-90°) pendant 6 à 8 heures, puis mises en chambre froide.
Fabrication industrielle des pâtes sèches
1° étape
De l’eau est pulvérisée sur les granules de semoule de blé dur. Le tout est mélangé par des pales de façon à avoir une humidité de 30%. Les granules de semoule s’agglomèrent en boulettes friables. Ce processus dure environ 30 minutes, voire moins avec des presses récentes.
Si le mouillage est insuffisant, des points blancs apparaissent dans les pâtes sèches.
2° étape
Les boulettes sont transférées dans une chambre qui fait le vide. Dans cette chambre, on enlève l’air de la pâte. Ceci est nécessaire pour éviter que l’air soit extrudé dans la pâte, si cela arrive, on obtient des pâtes avec des taches blanches, une moins belle couleur et plus d’oxydation.
3° étape
L’extrusion
Les boulettes sont passées à travers un extrudeur et forment une pâte (empâtage). Selon les presses, la pression peut varier entre 10 et 15 mégapascal. Cette opération peut échauffer la pâte jusqu’à des températures supérieures à 50°C. Pour éviter cela, le cylindre d’extrusion est muni d’une double enveloppe permettant le refroidissement par eau. Pour ne pas abîmer les futures pâtes, la température ne peut pas dépasser les 40°C. En effet, à cette température, la structure protéique est trop compacte, et, à une température supérieure, la pâte risque de s’affaisser et d’atteindre la t° de gélatinisation (entre 55 et 60°C).
Selon la machine utilisée, on obtiendra des pâtes extrudées (tréfilage) ou des pâtes laminées (laminage).
Le tréfilage
La pâte provenant de la vis d’extrusion passe ensuite à travers des filières (ou matrices) qui lui donnent la forme recherchée : spaghetti, vermicelles, linguine…. Les matrices sont en bronze doublé ou non de téflon. Elles doivent résister à l’acidité générée par les bactéries présentes dans la pâte et, être facilement nettoyables. Les pâtes courtes comme les macaronis, rigatoni, par ex, sont fabriqués par les filières. A leur base, un couteau rotatif coupe la pâte à longueur désirée. Les pâtes courtes sont disposées sur des paniers perforés ou des tapis en treillis, en vue du séchage. Les pâtes longues sont pendues à cheval sur des cannes horizontales.
Le laminage
Les pâtes provenant de la vis d’extrusion munie d’une matrice à fente est acheminée en une feuille assez mince vers des laminoirs. Le but du laminage consiste à amincir graduellement la pâte jusqu’à l’épaisseur souhaitée, à la lisser et à l’unifier. Les feuilles de pâtes sont ensuite dirigée vers des machines munies de couteaux qui taillent la pâte en bandes (ex : tagliatelles) et de découpoirs ou de poinçonneuses qui impriment dans la pâte des formes variées.
A la sortie des machines, les pâtes ont une consistance molle et ne sont pas manipulables car elles risquent de coller ou de se déformer. Elles sont donc ventilées avec de l’air chaud. Cette étape de saisie est obligatoire, surtout pour les pâtes longues. La teneur en humidité des pâtes destinées au séchage s’élève à 27% pour les pâtes coupées et 30% pour les pâtes longues.
Le séchage des pâtes
Le séchage a pour but de diminuer la teneur en humidité de la pâte à minimum 12,5%.
C’est l’opération la plus importante et la plus délicate. Le séchage stabilise la qualité de la matière première et le traitement mécanique qui a précédé. Il ne doit altérer ni la forme, ni l’aspect des pâtes. On doit obtenir un état d’équilibre hydrique entre les principaux constituants (amidon et gluten) pour que la pâte puisse offrir une certaine résistance à la rupture, tout en étant suffisamment élastique.
Pour ce faire, il y a deux phases ; le préséchage et le séchage final.
Le préséchage est une phase qui a toute son importance car il faut enlever une proportion d’eau assez élevée dans un laps de temps assez court (30 % pour les pâtes courtes et 40 % pour les pâtes longues). L’opération se fait en faisant circuler de l’air chaud (55°C à 75°C) dans un temps qui varie selon le type de pâtes. On compte en général 1 à 2 heures.
Le but du préséchage est de
– minimiser les activités microbiologiques nuisibles, notamment les moisissures et de freiner le processus de fermentation
– de stabiliser la forme de la pâte
– d’empêcher l’agglomération des pâtes courtes et l’allongement démesuré, voire la chute, des pâtes longues
– de renforcer la structure des pâtes en insolubilisant les protéines
– d’obtenir des pâtes plus transparentes et d’un plus bel aspect ; en effet, les pâtes qui restent trop longtemps humides sont mattes.
– de limiter les effets du brunissement non enzymatique (réaction de Maillard)
– d’assurer aux pâtes un réseau protéique compact
– d’abréger la phase de séchage final
Le séchage final
La dernière étape du séchage permet d’amener le taux d’humidité des pâtes à 12,5%. Cette opération délicate est faite de manière à maintenir pendant le séchage un écart uniforme du gradient d’humidité entre les parties périphériques et interne de la pâte.
Il existe deux types de séchage final : la traditionnel et le moderne
Les séchoirs traditionnels
Le séchage final a lieu dans des appareils spéciaux où les périodes de ventilation avec admission d’une certaine quantité d’air chaud, relativement saturé en eau, alternent avec des périodes de repos. La durée du séchage est d’environ 12 à 15 heures pour les pâtes longues et 5 à 10 heures pour les pâtes courtes.
Les séchoirs modernes
Pour réduire la durée du séchage et les coûts énergétiques, des procédés utilisant l’infra-rouge et le micro-onde dont l’objet de recherches.
Par ailleurs, les constructeurs italiens et suisses ont mis au point de nouveaux équipements de séchage dits « haute température » (entre 70 et 90°C) et « très haute température » (entre 95°C et 105°C). Ces procédés améliorent la couleur et la tenue de la pâte à la cuisson mais diminue la disponibilité de la lysine, ce qui est un inconvénient au niveau nutritionnel.
Comment faire des pâtes sèches maison?
d’après Marc Vetri, dans « Mastering pasta » :
La meilleure solution consiste sans doute à faire sécher les pâtes pendant quelques jours dans un frigo à 4°C, avec un taux d’humidité de 30% environ. Les pâtes vont petit à petit devenir plus dures et plus sèches.
Il décrit également une méthode de séchage à 23°C dans une boîte permettant de conserver un niveau d’humidité de 75% , avec un temps de séchage de 32 à 36 heures. Il précise cependant que la pâte rend beaucoup d’amidon lors de la cuisson….nous sommes là de retour au début de l’article….au Moyen Age !!??
Je n’ai pas testé ces deux méthodes. Ce qui fonctionne assez bien dans le nord de l’Europe, contrées moins chaudes, c’est la fabrication de petites pâtes tels les vermisseaux de Cécile.
Recettes
Fabrication des hilopites grecs
Exemple de fabrication de pâtes sèches à Gragnano
Sources
Le Blé: éléments fondamentaux et transformation par Armand Boudreau, Germain Ménard
Les pâtes, Sabban et Servanti
Mastering Pasta, Marc Vetri